La serpe de Philippe Jaenada chez Juillard
– « Et les moutons ? »
La réplique intervient au moment ou tout semble joué, jouer contre le principal accusé Henri Girard. Le climax approche et l’incompréhension domine, vu les antécédents du bonhomme, vu sa réaction devant les faits. Comme il est devenu plus simple de se sentir à l’aise dans le seul resto chinois de Périgueux, en Dordogne, plutôt que dans le tradi « cuisine à Papa » ou dans la brasserie « parisienne » de centre-ville. Inéluctable, ce type est coupable, il reste encore 300 pages pour l’enfoncer davantage. Ou pour nous raconter un truc.
Jaenada enquête. Pourtant, on connait le coupable dès le départ. On le connait bien, puisqu’il a eu une autre vie après cet immense foutoir. Tuer père et tante, plus la bonne, craquer l’énorme héritage en deux ans, devenir clochard dans une zone d’Amérique du Sud et revenir pour recommencer à vivre.
À la manière de Reginald Rose, auteur du 12 hommes en colère, Jaenada essaie de montrer l’évidence. Aux environs de la page 350, tel que le film l’expose, tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous, ou au contraire. Revenu sur de nombreux témoignages en apportant la nuance suffisante pour en délivrer le mot, une phrase qui modifie le tout.
Avec minutie et quelques whisky, Jaenada révise le procès : la guerre, la province, l’évidence. Une tout autre fin, citée par Balzac, que ce pauvre hère devant un magistrat d’Issoudin :
« Mon pauvre Pierre, ton affaire est claire, tu auras le cou coupé. Que cela te serve de leçon. »