« Rien ne ressemble plus à rien de ce qui existait dans mon enfance… Que de choses nouvelles : le téléphone, la radio, la télévision, l’aviation, la navigation intersidérale… »
Alain, Marie, Joseph, Paul, Louis, Fernand Lefebvre Saint Ogan (1895-1974) est le deuxième jalon de l’histoire de la bande dessinée française après Christophe.
C’est quoi Saint Ogan ?
Paru en mai 1925 dans le « Dimanche illustré », Zig et Puce, accompagné par le suite d’Alfred le Pingouin, deviennent très populaires durant l’entre-deux-guerres. La parution du premier album chez le libraire Hachette (novembre 1927) renforce la notoriété de l’auteur. En deux ans, l’utilisation systématique de la bulle (du phylactère) et un découpage séquencé, inspiré de ses lectures américaines, font la part belle à l’ellipse. Ce cadre, allié à un imaginaire européen, prépare le terrain, pour Hergé notamment. Alfred le Pingouin quitte le papier pour devenir une espèce de fétiche. Si Nungesser et Coli ne parviennent pas à lui faire traverser l’Atlantique, le palmipède marin devient très célèbre, embrasse les stars du moment, de la fameuse Mistinguett à Joséphine Baker, avant de donner son nom au premier prix d’Angoulême de 1975 à 1988.
ASO, c’est aussi la radio
1927, grande année pour ASO puisqu’il débute sur radio Paris, avec la présentation radiophonique de Zig et Puce (La dernière histoire du pingouin Alfred contée par son père Alain Saint Ogan). En 1950, la consécration au micro prend la forme d’une émission en public, le Jeudi de la jeunesse, sur la Radiodiffusion française, en précurseur de l’école des fans.
Et le dessin animé
C’est aussi un détour par le dessin animé, dont l’économie était alors déjà dirigée par Disney :
« Que pouvions-nous faire contre les quelques centaines de dessinateurs et d’opérateurs qui travaillaient dans ses ateliers, nous qui n’avions pu réunir qu’une dizaine de dessinateurs, mal payés, et de formations artistiques très différentes. » (JMS, p. 135)
Enfant de l’Ouest parisien, installé dans la Villa Montmorency (Paris 16) – actuel ghetto du gotha –, il croise le chemin d’André Gide. Devenu un jeune homme digne de figurer dans une aventure de P.G. Wodehouse, il embrasse la carrière de dessinateur tout en cultivant son réseau. Il bascule dans la célébrité sans arrière-pensée. Sa période faste (1920/1939) correspond à la Belle Époque, lorsque le XIXe siècle tire sa révérence. Le décès paternel en 1939 donne une autre tonalité aux quatre années de guerre.
Une carrière sans calcul le conduit à Clermont-Ferrand pendant la Seconde Guerre mondiale, où son employeur s’est installé, en passant par Vichy. ASO est l’un des premiers auteurs de bande dessinée à vivre (plus ou moins bien) de son labeur ; bobo avant l’heure. Son récit autobiographique regorge d’anecdotes plus ou moins délicates, que ce soit au bordel ou lors d’un événement mondain, avant de clore son œuvre telle une espèce de Monsieur Hulot du dessin en devenant le président du premier festival d’Angoulême.
Matériel consulté :
– Alain Saint Ogan, Je me souviens de Zig et Puce…, La Table Ronde, 1961.
La préface de José Louis Bocquet permet de recontextualiser cette autobiographie écrite en 1961. Un style très détaché, une chronologie inexistante comblée par des anecdotes.
– L’art d’Alain Saint Ogan, T. Groensteen & H. Morgan, Actes Sud, L’An 2.
Science et rigueur remettent les différentes étapes de la carrière d’ASO au cœur du XXe siècle. Une riche iconographie ravive la mémoire.
Et bien évidemment Julien Baudry, avec son travail d’exégète :
– La bande dessinée entre dessin de presse et culture enfantine : relecture de l’œuvre d’Alain Saint-Ogan (1895-1974). Thèse en Histoire, Université Paris Diderot-Paris 7.