Anthony Pastor
Casterman, 2015
Le Sentier des reines débute dans les Alpes françaises, en 1920. Florentin, le narrateur, est un jeune orphelin dont les parents ont été emportés lors d’une avalanche, avec les Dupraz, pére et fils. Leurs veuves Blanca et Pauline, vite rejointes par Félix Arpin, copain de tranchée de François Dupraz, forment le reste du quatuor.
Dans cette première partie, Blanca joue le rôle de leader. Elle décide de quitter la Savoie et ses traditions, la tenue surmontée d’une coiffe « frontière » savoyarde qui les stigmatise autant qu’elle les embarrasse. Pauline incarne un personnage plus jeune, soumis à l’habitude, tandis que Florentin fait office de voix-off, n’intervenant qu’en ultime recours. Félix Arpin a fréquenté la tranchée avec Dupraz père. Un larcin commis avant la fin du conflit, le vol d’une montre de valeur, justifie sa présence auprès du trio, et surtout la poursuite à laquelle il se livre durant cent vingt pages. De la Haute-Tarentaise, le groupe descend à pied en hiver jusqu’à Macon, prend le train pour Laroche, rejoint Paris par voie d’eau pour retrouver Rouen et la fin de l’aventure. Avant de rejoindre le Havre. Anthony Pastor décrit la fuite en avant de ses héroïnes comme une émancipation de la condition d’alors. L’utilisation des nouveaux modes de transport que sont la voiture et le train fait état du changement de société et de la nouvelle place occupée par la femme après la Première Guerre mondiale.
Une fois le cadre posé, Anthony Pastor développe ses personnages à travers une intrigue qui s’inscrit dans de vastes questionnements. Le Sentier des reines raconte la condition de la femme dans la France des années 1920, contrée meurtrie par quatre années de « carnage officiel ». Sa maitrise graphique lui permet d’étayer la psychologie des personnages sans devenir lourd. Le trait de Pastor s’est modifié, il est plus fluide, plus descriptif, peut-être moins personnel. Quatre personnages, deux femmes et deux hommes, incarnant les trois âges, rappellent l’étendue des rapports hommes/femmes, Blanca rappelle la figure centrale de Marisol dans Las Rosas.