La ruée vers l’horreur

SCALP, la funèbre chevauchée de John Glanton et de ses compagnons de carnage

Hugues MICOL

Futuropolis, 2017

Hugues Micol revient sur la dérive meurtrière de John Glanton, inspiré par l’ouvrage de Samuel Chamberlain[1]. Micol s’affranchit des formes habituelles du récit, les cases ont cédé la place au sens de lecture pour construire les séquences, et nous propose une composition graphique radicale, très aboutie.

La sale besogne

À 16 ans, le meurtre, sans doute le viol, et surtout le scalp de sa fiancée par deux Indiens, servent à la fois de cause et de justification, peut-être simpliste, aux choix de vie du futur outlaw. La revanche au cœur, une espèce de mentor, Robert Gray, lui apprend la « sauvagerie », c’est-à-dire traquer, combattre à mains nues et à manier les armes.

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La guerre d’indépendance du Texas vis-à-vis de la jeune République mexicaine est l’occasion d’exprimer, dans l’intérêt public, les compétences acquises. Un contexte de totale impunité, qui annonce le premier fait d’armes, lorsque l’apprenti guerrier tue trois Mexicains en uniforme… puis les scalpe : le mythe fondateur.

La folie douce 

En 1849, l’État de Chihuahua fait appel à Glanton et ses sbires, un casting « (…) constituée d’Indiens Cherokee et Delaware, de Canadiens français, de Texans, d’Irlandais, d’un Noir et d’un vrai comanche », payé « 200 $ par scalp de guerrier mâle et 150 pour les femmes et les enfants ». Une première expédition occis puis scalpe environ 250 Apaches. Le retour à Chihuahua est triomphal. Une séquence de cases sans contours, entremêlant sexe et alcool, s’achève sur un Glanton hagard, dénudé, les bottes au pied. Cette première tuerie découverte, devenues tricards au Mexique, ces cavaliers de l’apocalypse remontent alors en direction de la Californie.

MICOL

Toujours plus à l’ouest, la bande suscite une mortelle aversion à chaque rencontre. Micol utilise le registre dynamique, combinant l’ultra-violence à l’anatomie, lorsque les personnages défouraillés volent comme des pantins. En 1850, au bout de la route, le gang s’attaque à un village Yuma, proche de la rivière Gila. Cette fois, la vengeance des Indiens marque la fin de Glanton.

Micol s’est déjà distingué avec le superbe webdocumentaire consacré à Alma, une jeune guatémaltèque engluée au milieu des Maras, vénéneux gangs d’Amérique centrale. Pour SCALP, la barbarie omniprésente, validée par l’époque, est contrebalancée par des effets spéciaux. Proposé au format 24×33, de nombreuses pleines pages expressionnistes atténuent la cruauté du propos par une esthétisation absolue. Le sens de lecture supprime l’ellipse, l’absence de décor sublime à la fois le dessin de Micol et le sentiment de terreur.

Pour en lire davantage : Funèbre chevauchée et compagnons de carnage

[1] My Confession : the Recollections of a Rogue est un témoignage d’époque, donc de première main. La véracité historique des propos est sujette à discussions.

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