La Grippe Coloniale

Le retour d’Ulysse et Cyclone la peste

Appollo & Hui–Chao–SI

Vents d’Ouest, 2003, 2012

À une dame créole

Il est question de retour au bercail, de retrouvailles, de changement et de désolation. Sortis vivants des tranchées, quatre poilus créoles forment un panel sociologique sur lequel s’appuie l’excellent Appollo pour dépeindre l’arrivée de la grippe espagnole sur l’île de la Réunion.

Hoarau est le narrateur, troufion dans la moyenne, valeur étalon d’une colonie dont la hiérarchie se mesure au faible nombre d’habitants conjugué à la proximité toute cruelle. Grondin, protégé des Dieux, la partie musclée du quatuor, dont l’optimisme affiché balance avec son activité de défourailleur durant les quatre années de désaccord. Voltaire, l’héritier des Louverture et Schoelcher réunis : adepte du renouvellement, il montre la voie en couchant avec la femme du dernier larron. Camille de Villiers est un descendant lointain de la branche métropolitaine, engagé de la première heure et dorénavant gueule cassée après sa rencontre avec un obus ottoman. Son suicide articule la transition avec le tome II.

Le retour d’Ulysse n’est pas L’invitation au voyage, mais une plantation de décor : les poilus, la société pyramidale et l’épidémie galopante. Alléchant. Et puis, tel une piste verte, Cyclone la peste redescend le climax et déroule cahin-caha le parcours des trois z’amis au cœur du contagieux cataclysme.

Serge Huo-Chao-Si représente le Saint-Denis de 1919 dans un décor réaliste. Il propose une galerie très réussie de personnage qui permet de parcourir les différentes strates de cette France éloignée. D’un tome à l’autre, le dessin prend en assurance, tandis que la narration s’étiole. Le trop long délai (9 ans) entre les deux livres explique ce décalage et la déception. Totoche !

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