Los surcos del azar, Paco Roca, Astiberri
Récit linéaire, Histoire tordue
Miguel Ruiz n’existe pas, c’est un personnage de fiction. Il n’existe plus, il a changé de nom, par peur des représailles franquistes. Il n’a pas existé, et décide de poser les armes pour vivre avec Estrella.
À compter du 28 mars 1939, Miguel Ruiz, anarchiste espagnol, échappe à l’armée franquiste, sème les Unterseeboot, force les administratifs vichystes, survit au bagne algérien, combat l’Afrika Korps, échange son Ruiz en Campos, déroute la Kriegsmarine, goûte la nourriture écossaise, débarque en Normandie, défouraille la SS en déroute, déloge les snipers dans Paris libéré, se fatigue avec les derniers soldats allemands et renonce au ridicule d’une invasion mal préparée de l’Espagne franquiste. En septembre 44, Miguel Campos quitte l’arène.
Destin de guerre
Le roman graphique s’intéresse chaque jour davantage à la Grande Histoire. Pour Los surcos del azar, l’auteur espagnol Paco Roca questionne Miguel sur son passé militant. Une vision inédite du dernier grand conflit mondial se découvre : celle de revanchards idéalistes et ombrageux. Deux séquences intéressantes concernent la responsabilité meurtrière dans la bataille, cela aurait pu constituer une thématique à part entière. Car le traitement est linéaire – trop. Trop proche des blockbusters étasuniens du genre. Les aller et retour entre ce passé dense et le présent d’un vieil homme oublié s’enquillent sans relief. La Grande Histoire a droit aux couleurs, aux traits nets, à la solennité tandis que le quotidien de la discussion se dessine en noir et blanc, quelque peu défraîchi. Dommage.
¿ Para qué llamar caminos a los surcos del azar ?
Proverbios y cantares (Campos de Castilla)
Antonio MACHADO